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Inhoud
Jean-Marie Soulier est un médecin de grande qualité qui, après avoir débuté comme kinésithérapeute en 1974, a pu accumuler une longue expérience de la pratique de la médecine faite avec les mains. Ce tome II sur les articulations périphériques contient beaucoup d’idées originales et des explications précises qui permettent très facilement de mettre en œuvre ce qu’il propose et surtout avec une efficacité clinique indiscutable. Toutefois, il est indispensable de bien comprendre sa propre terminologie pour bénéficier au mieux de son enseignement. Les articulations sont en effet un domaine clé de l’appareil moteur et l’on y trouve des solutions techniques intelligentes, qui leur permettent de fonctionner dans d’excellentes conditions en autorisant des performances étonnantes. Pourtant, l’une des règles du jeu biologique est de tous nous conduire vers la mort après une dégradation plus ou moins importante de ces merveilleuses structures anatomiques, que j’ai appelé, faute de l’existence dans notre vocabulaire médical d’un mot approprié, «l’anatochronèse», qui se définit comme l’évolution dans le temps des systèmes anatomiques. C’est un phénomène naturel, avec cependant des variations multiples, qui obligent à distinguer une anatochronèse normale – sans manifestation clinique – d’une anatochronèse pathologique, où la modification par usure ou surcharge des structures anatomiques entraîne des manifestations cliniques invalidantes avec un symptôme majeur : la douleur. Celle-ci amène à consulter un homme de l’art, qui dispose d’un arsenal thérapeutique varié. En premier lieu sont les médicaments, prescrits souvent sans mesure réelle et objective des effets secondaires et sans adaptation efficace au profil du patient. En second lieu, les chirurgiens orthopédistes ont développé depuis plusieurs années, grâce aux progrès de nos connaissances sur la biomécanique articulaire et l’usage de nouveaux biomatériaux, des techniques de remplacement par des prothèses articulaires, hélas trop nombreuses et pas toujours parfaitement étudiées techniquement. Car il en va de même avec les systèmes artificiels de remplacement qu’avec les systèmes biologiques, le temps reste un facteur capital. Le résultat clinique immédiat peut être satisfaisant pour le patient et le chirurgien, mais l’objectif est obligatoirement de garantir un résultat à plus long terme, ce qui est possible si le problème technique et le choix des matériaux ont été bien posés. On peut en arriver à dire néanmoins qu’à un certain âge, ou après une vie passée à surmener ses articulations, il est normal d’avoir des douleurs et il n’est pas absolument sûr de les voir disparaître complètement et définitivement. Tout est évidemment question de seuil et de profil psychobiologique, avec toutes les variations individuelles que nous connaissons désormais de mieux en mieux. On classe les articulations en immobiles, c’est-à-dire non prévues pour le mouvement comme par exemple les sutures crâniennes, et en mobiles comme toutes les autres – amphiarthroses et diarthroses –, où la forme des surfaces articulaires et les moyens de synthèse (ligaments passifs et actifs) conditionnent le jeu articulaire. Il va de soi que les muscles qui les mobilisent sont indissociables de leur étude et jouent un rôle fondamental dans la pathologie. Jean-Marie Soulier fait une très bonne analyse de tous les composants articulaires en s’attardant à juste titre sur les mouvements de roulement et de glissement ainsi que sur le cartilage articulaire, remarquable tissu avasculaire viscoélastique qui garantit le juste étalement des contraintes et des isostatiques au niveau des interlignes articulaires. Son altération est à l’origine d’une grande partie de la pathologie articulaire. Il parle de «grands mouvements volontaires» dus aux grands muscles mobilisateurs, toujours avec du roulement, et de «petits mouvements involontaires automatiques» où le glissement est prépondérant avec des effets de centrage articulaire – en particulier dans les articulations sphériques ou énarthroses comme l’épaule et la hanche. Il évoque aussi une programmation motrice automatisée. Cette idée originale correspond bien à l’importante automatisation du système moteur, sans laquelle les 600 muscles du corps ne pourraient être contrôlés, par un pilote la plupart du temps complètement ignorant de son anatomie interne. Il est bon de rappeler que nous commandons volontairement des mouvements et non des muscles, car nous n’avons pas besoin de savoir que nous avons des muscles et surtout lesquels il faut activer pour exécuter une tâche donnée. Le maître-mot de cette organisation complexe mais intelligente est l’automatisation. Il est bien entendu nécessaire avant tout geste thérapeutique de faire un bilan initial et celui de Jean-Marie Soulier est très original. Les limitations articulaires observées aussi bien par le thérapeute que par le patient sont notées en angles, ce qui sert de «marqueur» des dérangements, qu’il appelle coincements ou décentrages, et qui permet ensuite une mesure assez précise des résultats. La «barrière motrice» étant la fin de course doit être souple, indolore et symétrique. Sa technique de manipulation, dite TNF (technique non forcée), est très innovante. Elle s’intègre dans ce qu’il appelle l’amphothérapie, qui permet de retrouver pour chaque articulation traitée son rythme physiologique normal grâce une dualité d’action complémentaire: manipulation passive faite par le thérapeute et manipulation active faite par le patient, qui devient ainsi un véritable acteur de sa guérison. Il n’est pas question de mouvements articulaires brutaux ou «craquants», mais de mobilisation intelligente des articles avec une bonne direction d’action. Comme il le dit justement : «l’ostéopathie-orthopédique préfère traiter l’étiologie de la douleur et non la douleur elle-même.» Le livre est très complet dans son contenu détaillé pour toutes les articulations des membres supérieur et inférieur. Il est par ailleurs très bien illustré. Je le recommande donc très vivement à tous ceux qui veulent faire une médecine manuelle «sans forcer» et qui pour ce faire ont intérêt à suivre l’enseignement de Jean-Marie Soulier, afin de bien intégrer sa méthode originale et en bien comprendre la terminologie spécifique. Professeur Pierre Rabischong, Professeur Emérite, et Doyen Honoraire de la Faculté de Médecine de Montpellier
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